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Il fait suite à une conférence traitant des Corses au bagne de Toulon. Les éléments sont tirés d'une publication à paraître, Luigi Piombu, dont l'essentiel porte sur les aspects répressifs de l'annexion de la Corse par la France en 1768 et de ses conséquences du point de vue militaire, juridique, économique, social et religieux.

 

LES CORSES EMPRISONNES A TOULON

Galériens, bagnards ou forçats sont des mots employés pour désigner des personnes qui, pour des motifs très variés, ont été condamnées par la justice au cours des siècles passés. Les termes cachots, cellules, geôles ou pontons flottants sont censés définir les lieux et les conditions de leur détention.

Les Corses, fut-ce au temps de l'administration génoise – qui pratiqua très largement le bannissement - ou dès le moment où la France s’ intéressa à l’île, et ce bien avant l'annexion de 1768, n'échappèrent pas aux processus définis par les politiques judiciaires étrangères.

Les galères, sur lesquelles ramaient environ deux cent cinquante galériens étaient d'imposants bâtiments de guerre destinés particulièrement à la garde côtière. Sous le règne de Louis XIV, seize des trente galères de la flotte française étaient basées à Marseille. L'ensemble des rameurs constituait la chiourme, de l'italien ciurma qui signifie équipage. La Ferme, Hardie, Duchesse, Reine étaient les noms de baptême de quatre d'entre elles. La dernière galère, survivante et témoin du temps passé, était encore amarrée au port de Toulon en 1781…

 … En 1839, après sa visite au bagne de Toulon, Victor Hugo devait résumer en quelques lignes l'essence de la condition du forçat : "il fallait que le condamné devint un être effrayant, qu'enchaîné il fit peur, que libéré il fit horreur. Le forçat était une sorte de démon fait par la loi"…

 … L'effectif du bagne de Toulon passa de 2 000 condamnés en 1749 à…

 … A l’occasion des évasions. Les Provençaux organisaient de véritables chasses à l'homme dès que retentissait le coup de canon annonciateur de l'évènement. C'est ainsi que des paysans varois – incités par la prime habituellement distribuée - assassinèrent dans la garrigue située entre les villages de Cuers, Pierrefeu et Puget-Ville, à seulement quinze kilomètres de Toulon, trois des trente Corses évadés du fort Lamalgue, dans la nuit du 20 juillet 1776. Nicolas D., Gio Salle C., de Crocicchia et Francesco A. de l'Acquale, de la pieve de Niolu, avaient été déportés et incarcérés à la suite des rafles de l'été de l'année 1774…

... Le premier Corse porté sur les registres de signalements du bagne de Toulon fut…

... Après un voyage de vingt-quatre à trente-six heures, ou quelquefois plus lorsque le mauvais temps sévissait, l'arrivée sur le sol français donnait lieu à un rituel immuable.

Les condamnés de droit commun étaient transférés au bagne. C’est le cas de quatre des bandits signalés par l’article du Courrier de Monaco. Il y avait là les frères Salvatore et Pascal L., natifs d’Evisa, âgés respectivement de trente-et-un et trente-six ans. Tous deux avaient été condamnés pour prévarication à vie pour l’un, à neuf ans de bagne pour l’autre. Pascal décédera, à l'hôpital des chiourmes de Marseille où il avait été transféré, le 10 novembre 1772. Le plus jeune frère, Salvatore, s’évadera de l’atelier de la Corderie, le 25 janvier 1777. Il y avait parmi ces bandits…

 … L'accueil des prisonniers de droit commun se réalisait sur une plage à l'écart de la ville. Le cérémonial débutait par la mise à nu des arrivants, une fouille dite "indiscrète", la confiscation de leurs effets personnels, de leur argent et de leurs bijoux éventuels. Les arrivants étaient immédiatement immergés dans de grandes bailles remplies d'eau. Suivait le rasage de la barbe et des cheveux. Venait ensuite…

… Le bagne de Toulon a fonctionné entre les années 1749 et 1873, et le nombre de Corses qui y ont été détenus avoisine les…

Dans ce nombre, on compte des Acquatella, des B., des C., D., P., R., S., T. et des V... . A maintes reprises la traduction fut phonétique. C'est ainsi que l'on trouve pour lieu d'origine Aillasse au lieu d'Ajaccio, Charbounache pour Savinacce, Calagoueche pour Calacuccia, Moutalte pour Monticello… Cette remarque est valable pour les prénoms et les patronymes, tels Dagnanelle pour Paganelli, Franke pour Franchi, Marchoulesse pour Marcellesi, Mouraty pour Murati…

 … Quant aux prisonniers politiques, et c’est le cas des quatre autres bandits anonymes arrivés le 16 janvier 1772 et signalés par le Courrier de Monaco, ils étaient enfermés dans des salles souterraines de la Tour-Royale de Toulon, communément appelée Grosse-Tour par les gens du pays. Cette tour est…

 … Un courrier du conseiller Bianchi, rédigé à Toulon le 11 janvier 1739, relate les difficultés de navigation, et mentionne le nom des otages : …

 … Par comparaison avec le bagne de Toulon, les conditions de détention à la Tour-Royale de Toulon étaient atroces. Au fil de l'histoire, l'on peut affirmer que les déportés corses constituèrent sa plus forte population

 … En 1768, le médecin militaire comparera les détenus à des bêtes humaines, vêtues de lambeaux d'étoffes ou quasiment nues…

 … Le taux de mortalité dépassait très largement celui déjà élevé enregistré au bagne et qui était de 50% en moyenne…

 Dans les années 1768 et surtout lors de la période de 1774 à 1778, au plus fort de la répression, les salles de la Tour-Royale furent surpeuplées. Le fort Lamalgue, situé à environ cinq cents mètres de distance, compléta le dispositif.

 Le 24 août 1768, une part non négligeable de l’armée de Pasquale de'Paoli, pourchassée par les troupes françaises depuis Patrimoniu…

 Les …  Corses furent enfermés à la Tour-Royale…

 … Les rafles et arrestations massives opérées au cours de l’année 1771, mais plus encore lors des années 1773-1774, notamment dans le Niolu et certaines des autres pieve de Corse comme la Balagna...

… Les extraits mortuaires, notamment pour les années allant de 1774 à 1777, sont éloquents.Figurent, entre autres, les noms de…

 … Enfin, au XIXe siècle, le tandem constitué par Napoléon et le général Morand ne sera pas en reste, puisqu’entre les mois d'août et de septembre 1808, cent cinquante-sept personnes du village d’Isolacciu, dans le Fiumorbu, seront déportées et séjourneront dans les prisons toulonnaises…

 … Bien qu'incomplet, ce panorama des multiples conditions carcérales faites à de nombreux Corses au travers des siècles permet d’illustrer des situations fort différentes ne cadrant pas toujours avec les définitions et l’histoire officielles, les écrits et les récits transmis sur le sujet.

Plus significatives encore, les séquelles engendrées sur les plans physique et humain sont de nature à éclairer le sens profond de l'admirable chant "Barbara furtuna, sorte ingrata".


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Notes

1 Une imposante construction de 320 mètres de long sur 20 mètres de large, qui abrite aujourd'hui les archives du Service historique de la Marine de Toulon.

3 Bagne de Toulon, 10 novembre 1769. Oletta, février 1769, Jacques Denis, Primure, U ghjurnale di a Federazione per u Riacquistu Storicu Naziunale, numéro 5, 1999.

4 Famille Bartoli de Palleca, pieve de Talavu, Jacques Denis, Tranches de Corse, tranches de vie, destin d’homme, Storia nustrale, U Ribombu, N° 516, Ghjovi u 22 di marzu 2001, Bastia.

9 Le recensement exhaustif des signalements des Corses au bagne de Toulon a été assuré par l'auteur de l'article. Publication à paraître.

13 Un canon ça va, deux ou trois bonjour les dégâts, Jacques Denis, A Cronica, Le journal de l’histoire du Cap Corse, N°3 hors série, « Les capcorsins dans le mouvement national Corse, 1729-1768 », septembre 1995, Association Petre Scritte.

18 Due storie di u Fiumorbu, 1774-1808, texte de J.B. Gaï, complément – avec notamment la liste nominative des déportés - et notes de Jacques Denis pour l’Association Mimoria di U Fiumorbu, Petrapola. 1995.


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