L’IMPRUDENCE D’UN GEÔLIER ?

20 juillet 1776 : trente  prisonniers corses s'évadent du fort Lamalgue de Toulon

En matière carcérale, l’attitude d’un geolier conduit quelquefois à des situations pour le moins particulières. Il ne devait pas être toujours facile, en ce XVIIIe siècle, de cotoyer en permanence des prisonniers, non-condamnés faut-il le rappeler, entassés dans les prisons de la Grosse-Tour ou du fort Lamalgue de Toulon.

Qu’un geôlier se soit ému des conditions de détention de nos ancêtres Corses au point de leur permettre de se réunir dans sa chambre afin d’y manger relève-t-il de l’imprudence ou de la pitié ?

Il n’en reste pas moins que l’occasion était trop belle pour nos « Rebelles ».

C’est à une évasion massive que l’on assistera en plein été 1776.

Le 16 août 1776, le Ministre de la Marine adressant un courrier, à Monsieur de Coincy, Maréchal de Camp, commandant à Toulon, nous en livre quelques détails :

« J’ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 4 de ce mois pour m’informer que le 20 juillet dernier trente prisonniers Corses se sont échappés du fort La Malgue par l’imprudence que le geolier a eû de permettre à six d’entr’eux de manger dans la chambre où il logeoit. Je vois par l’Etat que vous m’adressez des noms de ces prisonniers qu’au départ de votre lettre cet évènement coutoit déja la vie à trois, qu’il y en avoit autant de blessés sans compter ceux dont vous ignoriés le sort au nombre de treize. Cela est d’autant plus fâcheux que ces gens là n’étoient détenus que pour forme de correction et qu’ils étoient sur le point de recouvrer leur liberté, au lieu qu’indépendamment des tués et blessés on se verra peut être obligé de faire une justice sévère de ceux qui ont tiré en se sauvant sur tout ce qu’ils ont rencontré.

Il eut été facile de prévenir cet accident et ses suites. Un peu plus de vigilance de la part du commandant du fort l’auroit prémuni contre la négligence du geolier. Il auroit connu le caractère de ses prisonniers et auroit fait mettre aux fers les turbulents et les auteurs des complots. Il avoit sous les yeux l’exemple encore récent qu’onze prisonniers de la même nation s’étoient sauvés de la grosse tour. Enfin il ne pouvoit pas ignorer les tentatives journalières que les Corses confiés à sa garde et ceux qui sont à la grosse tour faisoient pour s’évader. Il devoit donc se tenir sur ses gardes et il est blâmable de ne l’avoir pas fait.

Comme je ne suis pas suffisamment instruit de cette affaire par la pièce que vous m’envoyés, je vous serai obligé de m’en marquer tous les détails et notamment si les prisonniers ont tué ou blessé quelque soldat ou particulier dans leur évasion afin que je puisse en rendre compte à Sa Majesté et prendre ses ordres ».

 Jacques DENIS


Liste des (30) prisonniers Corses évadés des prisons du fort de La Malgue, le 20 juillet 1776

- Giacobini Fabricy, de la Costa (Occhiatana), rattrapé

- Francesco Simoni, de Noceta

- Francesco Acquaviva, d’Aquale, tué et enterré dans la campagne 

- Pietro Francesco Moraquini, de Tribu (?), rattrapé 

- Simoni Divicorcy, de Soveria (repris le 9 août)

- Paule Pietro Simondini, de Saint-Florent 

- Joanni Divicorcy, de Soveria

- Mariani Lesquy, de Soveria

- Antoni Matheo Colombani, de Pioggiola

- Ignacio Buggieri, de Bustanico, rattrapé

- Joanni Albertini, d’Albertacce

- Angelo Philipo Risteroucy, de Noceta, rattrapé

- Simoni Baptisto Oliviery, de Piazzale

- Théodore Cassara, Greco d’Ajaccio

- Joan Filicy Matheo, de Croce, rattrapé

- Joan Dario Sabiani, de Casamaccioli, rattrapé 

- Joan Andrea Ristory, de Soveria, repris le 9 août 1776

- Hiacintho Marco Agustini, de Pietricaggio

- Agustino Agustini, de Pietricaggio

- Anton Campinchi, de Calcatoggio, rattrapé

- Joan Baptisto Turquini, de Sermano, rattrapé 

- Angelo Joseph Rafini, de Santa Lucia

- Angelo Maria Rafini, de Santa Lucia, rattrapé

- Jean Paul Calendini, de Papone (?) Castellana, rattrapé

- Natale Martini, de Dazi, rattrapé

- Nicolas Doria, tué

- Gio Salle Camporoso, de Crocicchia, mort de ses blessures

- Marcantoni Giacobini, de Carozzia, rattrapé

- Giacomo Venturini, d’Urtaca, rattrapé 

- Francesco Maraniaqui, de Moncale, rattrapé.

Sources :

Archives Nationales K 12272

F. X. Emmanuelli, Déportation, colonisation, francisation - La Corse dans les archives des Intendants de Provence - 1768-1784, Archives E. Emmanuelli, BSSHNC, N°593, 4° tr. 1969



La suite des évènements et plus de détails dans
Luigi Piombu, par Jacques Denis, à paraître...

 
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