LE PRINTEMPS 1771,
DANS LE BOZIU ET LE VALLERUSTIE.

Les historiens ont souvent décrit le comportement des troupes françaises en Corse dans les mois qui ont suivi l’annexion de 1768. Le terrain leur était préparé par des militaires, tels Sionville et son adjoint Olivier, aidés par des supplétifs corses dont l’archétype est le sinistre Galloni.

Ces militaires pratiquaient des interrogatoires musclés, puis livraient leurs proies en pâture aux professionnlels de la justice, tel le Prévôt Général de la Maréchaussée de l'île de Corse, de Merville.

Le résultat du procès, sans appel, aboutissait le plus souvent à la peine de mort. Les Corses étaient roués ou pendus. Quelques uns des condamnés préservaient leurs chances de survie immédiate, ils étaient condamnés aux galères et systématiquement déportés au bagne de Toulon ou à la Tour-Royale de la même ville. En ces lieux, les conditions de détention abominables aboutissaient à un taux de mortalité d’environ cinquante pour cent en l'espace d'une seule année d'enfermement.

L’état qui suit est non daté, mais des recoupements auxquels nous avons procédé le situent aux environs de mai-juin de l'année 1771.

Il évoque l’activité des colonnes infernales qui procèdent à des rafles dans les villages des pievi de Boziu et des Vallerustie.

Peu de temps après, des habitants du village de Sermanu produisent une attestation visant à disculper l'un de leurs concitoyens, Gio: Bernardo FalconettiParmi les signataires figure Marco Giovanni Turchini. Ce dernier est alors Pievan et vicaire forain de la Pieve de Boziu. Il sera lui aussi arrêté et sera déporté au bagne de Toulon. Enfermé dans les geôles toulonnaises, il écrira un poème qui sera rendu célèbre par le groupe Canta U Populu CorsuU Terzetti di U Pievanu.

Jacques DENIS

[L’arrestation de Gio: Bernardo Falconetti et de Charles Baptiste Giuliani, ainsi que d'autres faits similaires, sont relatés dans l'ouvrage Peuple Corse et Révolution Française, d’Antoine Casanova et d'Ange Rovere, publié aux Editions Sociales au cours de l'année 1979. Sur le sujet en général, et particulièrement la question du comportement des colonnes infernales, nous vous proposons la lecture du livre de Pascal MarchettiUne mémoire pour la Corse, publié en 1980 aux Editions Flammarion.]

Article publié dans Missaghju, Association Citadella da Fa, Marseille, édition spéciale, décembre 1996.


Etat des prisonniers qui sont detenus a Corté, et desquels Le Prévôt général a pris connoissance :

Sçavoir

Paolo Arcangelo Peretti, Pretre demt au village de Penta. il est soupçonné de favoriser Les bandits, sur ce qu’il a été vû par Le detachement sortir de son village et aller du coté de Borgo.

on n’a pû produire aucune preuve contre ce pretre.

Pietro Peretti, habitant du même village de Penta, chez Lequel on atrouvé neuf balles, un fourreau de bayonnette et une platine de fusil.

il a dit dans son interrogatoire quil ny avoit que Le fourreau de bayonnette qui Luy appartenoit que Le surplus avoit été Laissé dans La maison par deux de ses freres qui sont soldats au Regiment de Butafoco.

La platine est hors d’etat de servir.

Marc Matheo Bernardini, Orso Matheo Bernardini, Marc Angelo Bernardini, freres du village de Cambia on a trouve chez Eux une bayonnette cassée dans Le fourreau, deux baguettes de fusil et un ceinturon uniforme.

il resulte de l’information qui a été faite contre Eux quils ont maltraité Le nommé Charle Mateo, du village de (Carticasi), quils L’ont blessé d’un coup de stilet a La Tête.

Le podesta de Leur village depose en outre quils ont toujours tenus une mauvaise conduite, que L’un des trois (nommé) Orso Matheo (lui a dit) dans Les tems qu’on envoya de La troupe ... La (Pieve) ... Les (droits) du Roy que sa ...Longtems, quil quitteroit sa maison pour aller a La montagne. Le même Temoin ajoute que Ces trois Particuliers avoient (precedament) des armes, notament un pistolet, quils n’ont pas rendû, quil est d’autant plus sur quils n’ont pas remis Leurs armes quil est podesta actuel et que son beaufrere L’avoit precedé en cette charge.

on avoit arreté un 4e frere nommé Bernardo Bernardini, qui a été mis en Liberté, nayant Eu attendû quil ny avoit aucune charge contre luy.

ils sont cousin de Pacé Maria, Bandit.

Pierre Julio Philipini, et Antonio Julio Philipini, freres du village d’Orgo. on Les avoient arretés sortant de Leur maison, soupçonnant quils alloient avertir Les bandits quil y avoit un detachement de troupes dans Leur village, on a fouillé sur Eux ainsy que dans Leur maison, on n’a rien trouvé de suspect, il n’est resulté de L’information aucune espece de charge, nonplus que de Leurs interrogatoires.

Dominico Francesco Negroni, du village de (Trébia), on a trouvé chez Luy un fourreau de bayonnette, un Cinturon et un stilet cassé. il n’etoit soupconné en rien de suspect.

Jean Mateo Retali, hermite a Santa Maria, prés du village de Corsoli de Vallerustie. Soupconné de favoriser Les bandits. Les temoins n’ont deposé sur aucun fait. Cet homme paroit simplement suspect.

Jean Bernardo Falconetti, du village de Sermano, Pieve de Bozzio, on a trouvé chez Luy une (carguiere) garnie de 14 cartouches (et) balles sans poudre, une petite boette de fer blanc où il y avoit du plomb à giboyer et une balle, (...) (pierre) a fusil. il n’est resulté de L’information aucune autre charge contre cet homme.

Charles Baptiste Giuliani, du village de Bustanico, pieve de Bozzio, arreté pour s’etre enfuit a Lapproche de La troupe, il a reçu un coup de fusil d’un soldat dont il est blessé à la jambe et detenû a L’hopital, ce qui L’a rendu suspect c’est qu’apres avoir été laissé dans son village par Le detachement il s’est fait enlever La nuit et transporter dans un champ d’orge caché sous une (...) pres du village d’(Alzi) cet homme interrogé pourquoy il a tenû cette conduite a repondu que (...) que c’est La frayeur qui L’a fait fuïr voyant que Les soldats (tiroient) sur tous ceux quils (appercevoient), et quil n’a quitté sa maison que pour se faire panser plus aisement au village d’Alzi. L’information n’a produit contre Luy aucune autre charge, il y a des temoignages en sa faveur de La part du podesta et des habitans de son village.

Entout huit hommes et une fille a transferer Es Prison d’Ajaccio . / .

 

 
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