Prima scontri di a toponimia :

patrimoine en péril...


La commune de Cutuli è Curtichjatu organisait vendredi 24 août 2012 les Prima scontri di a tupunimia.



Devant une assemblée fournie, Jean Biancucci, le maire et élu territorial à l'origine de ces premières rencontres, et plusieurs intervenants ont fait le point sur la toponymie et ont illustré leur propos par des exemples concrets puisés dans leurs recherches et travaux actuels.



En ouvrant ces premières rencontres de la toponymie,
Jean Biancucci
, à brossé un condensé historique de la situation et a souligné la nécessité comme l'urgence d'agir en la matière. Tout en rappelant les travaux pionniers de Jean-Charles Martinetti, maire de Prunelli-di-Fiumorbo, ainsi que les actions répétées de divers groupes - dont Femu a Corsica - auprès de la Collectivité territoriale de Corse, l'élu a pris pour exemple les changements qui touchent le pastoralisme et la disparition rapide d'un pan important de la mémoire corse, partie essentielle de l'identité. En conclusion de son intervention, Jean Biancucci a appelé de ses voeux "une nouvelle façon de travailler ensemble" et a souligné l'urgence de se réapproprier les noms de lieux corses.



Roger Miniconi - docteur en linguistique de l'Université de Corse - a fait un point sur la toponymie et la toponomastique (science qui étudie l'origine et l'étymologie des noms de lieux) ; a souligné entre autres que des travaux d'inventaire étaient indispensables ; a montré l'insuffisance - ou les dangers - du répertoire toponymique, qualifié de "ni Corse, ni Français" ; a procédé à une synthèse historique par grandes périodes. Ainsi, prenant pour exemple le plan Terrier et la question de la fiabilité de la connaissance locale, Roger Miniconi a rappelé que pour mener à bien leurs travaux, les géomètres et arpenteurs Français résidaient dans les couvents où les moines constituaient quasiment leur unique source de description et de validation de la toponymie locale. les traductions qui ont suivi ont conduit à des approximations linguistiques dont les exemples sont nombreux. Roger Miniconi est l'auteur d'un remarquable ouvrage intitulé "Les noms de lieux en Corse, toponymie de l'environnement littoral de l'île", paru aux éditions Alain Piazzola en 2009.  



Un trio pluridisciplinaire composé de Franck Léandri, de Ghjasippina Giannesini et de Charles Pinelli a commenté un monumental travail réalisé dans... Un désert !

Lorsque l'on apprend qu'il s'agit du "désert" des Agriate qui n'a de désert que le nom - Nous sommes bien placé dans le Ghjunsani pour savoir la fausseté de ce qualificatif - on perçoit mieux l'urgence de ce travail de marqueurs face à une occupation "moderne", anarchique et sans mémoire du terrain.


Franck Léandri, conservateur de l'archéologie de la DRAC de Corse a présenté l'origine des recherches et des travaux réalisés sur un site archéologique situé sur un terrain militaire aujourd'hui heureusement rendu à la vie civile. Franck Leandri a souligné l'indispensable synergie opérée par des spécialistes divers et les bénéfices de la mise en commun des savoirs et des pratiques.

Ghjasippina Giannesini, anthropologue de l'Université de Corse, qui travaille en particulier sur le domaine des croyances et de la mythologie, a explicité avec force détails les méthodes d'analyse du territoire pour la recherche du patrimoine. Elle aussi a évoqué la nécessité de "croiser les couches". Ghjasippina Giannesini a insisté sur un autre marqueur essentiel - point de vue que je partage tout à fait - celui des voies de communication anciennes. Elle a illustré son propos combinant mythes/sites archéologiques/voies de communication en prenant pour exemple la belle histoire relative à la "Casa di l'Orca" située sur le chemin principal reliant le Nebbiu aux Agriate.

Charles Pinelli, professeur des écoles et président de l'association "Les amis de l'Agriate", a informé le public des outils et des applications informatiques permettant le géoréférencement, la mise en oeuvre de bases de données et la lecture virtuelle par couches superposables des éléments constitutifs du terrain.



Enfin, Stella Medori, maître de conférence à l'Université de Corse - présidente du CESIT-Corsica, a axé son intervention sur le contexte et la problématique de la linguistique. De façon très pédagogue et ponctuant son propos d'un grand nombre d'exemples concrets facilitant la compréhension, Stella Medori a démontré de façon imparable la gravité de la situation, qu'elle a elle-même qualifiée de catastrophique, et a aboutit à un constat de l'urgence d'un travail de fond coordonné sur la toponymie.




La rencontre s'est poursuivie par de multiples échanges avec le public - parmi lequel sont intervenus Edmond Simeoni et Paul-Jo Caïtucoli - avant de se conclure par un buffet - identitaire - offert par la municipalité de Cuttoli-Corticchiato. Les couche-tard ont eu en outre le privilège d'assister à des parties de Mora et à des paghjelle.



Outre le constat unanime de la gravité de la situation, on notera l'appel insistant de tous les intervenants à un travail de fond et à une nécessaire coordination. Encore s'agit-il de disposer des moyens matériels et humains indispensables à la réalisation des travaux. Dans ce domaine les interventions auprès des décideurs doivent faire prendre conscience de la situation et de l'urgence à agir pour la préservation d'un patrimoine corse remarquable.

Jacques Denis

   

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