Valentini Filippo Francesco,
maire
d'Isolaccio di Fiumorbo.
En l'an XII, il avait
été nommé par le général Morand en
tant que lieutenant d’une des compagnies de
chasseurs corses.
En 1807, l'intéressé
est proposé par Morand
comme maire. Mais il
« n’avait point fait
preuve de bonne volonté ». Il avait, par contre
donné « toutes les
certitudes d’insuffisance »
Il n'en reste pas moins que le
maire sera lui aussi déporté. Alors qu'il est
emprisonné
à Embrun, il
tente d'intercéder auprès des
autorités en faveur de ses concitoyens incarcérés.
Son courrier
évoque entre autres : « … Un prêtre
arraché de l’autel, cent septante cinq (175)
malheureux traînés sans délits, sans jugement,
parmi lesquels vingt malheureux
septuagénaires et octogénaires, sans hardes, sans
argent… ». Une mesure
« … Qui n’était pas dictée par la
justice, mais par la passion
haîneuse… ». S’adressant « au
monarque » : « … Il ne
voudra pas que, quand la France jouit des bienfaits de sa justice, une
portion
de sa patrie souffre sous le glaive du despotisme et de la
tyrannie »
Au sujet des arguments
avancés par le maire d'Isolaccio, on
examinera par ailleurs
la question des octogénaires à la page concernant
l’étude du
nombres et de l'âge des déportés.
Filippo Francesco Valentini a
été incarcéré dans la prison civile de
Toulon du 1er
au 21 septembre 1808. Après avoir
été emprisonné à Embrun dès la
fin du mois de septembre 1808, il a été
transféré
dans le département de la Drôme
le 12 juillet 1809. Au
mois de décembre 1809, il était employé, avec Don
Dumenicu Colombani, chez monsieur Besson Desblains, maire
du
village d'Albon dans le
département du Vaucluse.
Pietri Antoine-Jean,
préfet du département du Golo.
Dans un premier temps, le
préfet excuse le maire
Valentini
arguant que « Dans une commune résultante
(sic) de cabanes
éparses dans des gorges de montagnes et au milieu des bois, on
ne pouvait
espérer mieux ».
Au mois de juillet 1808, le
préfet Pietri
assure que « Tous les rapports que
j’ai reçus jusqu’à ce jour me
confirment dans l’assurance que la mesure de rigueur dont je
viens de vous
informer produira des effets salutaires propres à ramener les
habitants du
Fiumorbo
à l’esprit de soumission et de docilité
qui caractérise les autres
administrés du département ».
« 1° les habitants
d’Isolaccio, soit
pour ne pas payer les
contributions, soit pour dévaster avec leurs bestiaux les biens
d’autrui et en
jouir gratis, donnaient annuellement des inquiétudes à
l’administration de la
police et à la justice ».
« 2° Le
général Morand
a été pendant cinq ans leur
bienfaiteur et
leur protecteur, au point que dans des conférences
particulières, plusieurs
fois je crus de mon devoir de lui faire observer que ces paysans
abusaient de
ses bontés ».
« 3) malgré
toutes les peines qu’il s’est données pour les
porter à
devenir des citoyens paisibles, ils se montrèrent toujours plus
insolents,
pensant peut-être que le peu de troupes qui se trouvent dans la 23e
division militaire n’étaient pas capables de les
contenir ».
« Je ne saurais pas
entrer à discuter sur le degré de culpabilité
de chacun des individus. Le fait est que la conduite des habitants
d’Isolaccio
a été de nature à entraîner des troubles
dans les autres communes, si en
général ces habitants n’eussent été
méprisés et regardés comme des véritables
brigands. Aussi le département a vu avec satisfaction
qu’ils avaient subi une
punition exemplaire ».
Le Baron de La Doucette,
préfet du département des Hautes-Alpes.
Le 28 décembre 1808, dans
un courrier : « Quand ils arrivèrent [à
Embrun] comme
un troupeau, exténués,
presque sans vêtements, ils se trouvèrent attaqués
« par une maladie
occasionnée par les fatigues de la route, le séjour dans
les prisons, le
chagrin et l’abattement d’esprit ».
Le 4 février 1809, le Baron de la Doucette
ajoute « leur malpropreté
dégoûtante, leur nudité presque
entière, leur moral fortement attaqué ».
Mais le préfet des
Hautes-Alpes
sait aussi être humain et se distingue des autres
personnalités qui portent des jugements abrupts au sujet des
prisonniers : « les enfermer ainsi en masse dans une maison
centrale, c’était les
exposer à une mort certaine ».
Le général Berthier,
ministre
de la guerre.
Le 12 prairial An XI [1er
juin 1803], le général Alexandre Berthier,
ministre de la guerre :
« Citoyens consuls,
Je vous soumets un projet
d’arrêté pour la levée de cinq bataillons [un
peu plus de 500 hommes par bataillon] d’infanterie
légère Corse destinée à être
employés dans cette isle. Cette levée ne peut se faire
que par enrôlement
volontaire à prix d’argent. J’ai pensé que la
durée de l’engagement devait être
de trois ans, le prix de l’enrôlement de 36 # et que la
composition, deux
bataillons, ainsi que leur solde et leur administration devaient
être modifiées
suivant ce qui convient le mieux aux localités. »
Source : A. N. AF IV 1372
3 compagnies sont
stationnées dans le Fiumorbo.
La rémunération des
militaires
Compte tenu de la situation
économique et sociale en Corse,
la solde des militaires est un
facteur non négligeable de prise d'intérêt
particulier. On le comprend aisément en examinant par exemple,
l'article 3 du texte
référencé ci-dessus qui prévoit en
matière de rémunération des officiers des sommes
considérables pour l'époque : 2 000 F. pour les
chefs de
bataillon ; 1 800 F [François
Bonelli de Bocognano
commande le 1er
bataillon]. pour les capitaines ; 1 400 F. pour les
lieutenants ; 10 sous par jour et une ration de pain pour les
soldats.
Le 21 prairial An XI [10 juin
1803], le général Morand
transmet l’instruction de
mise en application du texte précité aux préfets
du Golo et du Liamone.
C'est alors que des colonnes
mobiles interviennent [voir ci-dessous]
dans les deux départements corses pour
capturer les déserteurs et les bandits.
Le général en chef
Joseph MORAND
Le général Joseph
Morand commande la 23e division militaire
en Corse depuis le 22 décembre 1801.
La Corse est placé hors
Constitution. Par décret du 12 janvier
1803, Morand est
investi des pleins pouvoirs civils et
militaires. Il dispose en particulier des pouvoirs de haute police.
En outre, il tente d'appliquer
l'arrêté de désarmement général de
l’île et il suit à la lettre les instructions du
Premier consul : « les deux départements
fournissent une grande quantité de bons soldats…
Procurez-vous des recrues par
tous les moyens ».
En pratique, la méthode
employée consistait à faire occuper un village par
une colonne
mobile ; dans les 5 jours les habitants devaient livrer les
coupables,
plus 50 à 100 fusils et 50 à 100 stylets. Pour
gage de garantie d’exécution, les notables étaient
détenus dans l'attente de la soumission du village. Il
disposait alors de tous les pouvoirs pour arrêter, par exemple,
que « tous les prévenus d’assassinats
commis en Corse
pour cause de vendetta ou sur la personne d’un fonctionnaire
public, seraient
jugés par une commission militaire ».
Dans ses mémoires,
Siméon de
Buochberg résume bien le personnage : " Le
général Morand
fut un véritable dictateur, dur et
tyrannique, mettant
à exécution les pires décisions qu’il
pouvait prendre lorsqu’elles pouvaient
atteindre des familles suspectes de ne pas aimer les Français.
Il gouvernait en
despote et ne souffrait aucune contradiction. Il avait la manie de voir
partout, et dans les moindres évènements,
l’ingérence anglaise et il prêtait
l’oreille aux plus basses dénonciations."
Bonaparte / Napoléon
Premier consul (1800-1804), puis
empereur des Français (1804-1815).
Dès le lendemain de sa
prise du pouvoir en France,
le 18 brumaire,
Bonaparte met
la Corse
« hors la Constitution ».
Il inaugure un état
de siège qui durera jusqu’en 1830.
Les libertés publiques sont
suspendues. Bonaparte prescrit de réprimer
sans faiblesse tout désordre au moyen d’une colonne mobile
de sept à huit mille
hommes qui parcourra le pays.
« Vous ferez voyager
cette colonne dans tous les quartiers où il y
aura trouble. Elle aura à sa suite un tribunal extraordinaire
qui fera exécuter
sur-le-champ les assassins et les voleurs ou les provocateurs à
la rébellion.
Ce n’est qu’en s’annonçant par un acte de
rigueur que le commissaire du
gouvernement pourra ramener la tranquillité dans ces
départements ».
Paris, 9 avril 1803, au
général Morand,
commandant la 23e
division militaire
"Dans le rapport que me remet
chaque semaine le ministre de la guerre sur
tous les événements militaires et de police qui se
passent dans les divisions,
il n'est presque jamais question de la vôtre.
Je suis instruit de toutes parts
de la famine qui désole votre division.
Il y a plus de quatre mois que le ministre de l'intérieur a
envoyé du Havre
un
convoi de 90,000 quintaux de blé; il y a plus d'un mois qu'il
est arrivé à
Bastia.
Cependant je n'entends pas que cela ait soulagé le pays.
La 23e légère
restera encore sous vos ordres; ce qui, joint aux deux
bataillons de la 20e, à la demi-brigade helvétique et
à la gendarmerie, doit
vous former une force suffisante pour maintenir l'ordre.
Je vois avec peine que votre
division n'a encore fourni aucun conscrit.
Faites-les partir sur-le-champ,
et employez pour cela toutes les mesures de rigueur convenables.
Employez aussi
tous les moyen pour vous procurer des recrues,
Le ministre de la marine a
ordonné la levée de 2 à 300 matelots.
Deux à trois cents Maltais
doivent être rendus en Corse.
Faites-moi un
projet dont le but serait de leur distribuer des terres qu'ils
cultiveraient,
et d'améliorer leur position. S'il y avait là quelque
chose d'exécutable, j'y
enverrais les trois cents Grecs
que j'ai ramené d'Égypte
et qui composent le
bataillon qui est en Provence
; et, s'il était nécessaire
de leur donner
quelques noirs pour défricher les terre cela formerait un bel
établissement,
qui serait fort bien placé dans quelque petite anse.
Le Corse est revêche, mais
au fond juste. Parlez avec eux et ayez la
patience d'écouter ce qu'ils vous diront; mais soyez un peu
sévère dans les
fonctions qui vous sont attribuées."
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